Mélodies en streaming

Le streaming, c’est si pratique! Mais insidieusement, cela change la façon dont la musique est produite… On décrypte pourquoi et comment.

Au premier abord, le streaming musical n’a que des avantages. Tu as accès à un choix quasi infini de morceaux, qui nécessitent juste un appareil connecté au web, sans prendre d’espace chez toi comme le faisaient les CDs et cassettes en remplissant des étagères! Son inconvénient majeur? Pour la plupart des artistes, cela ne rapporte que des cacahuètes au niveau financier. Selon les estimations, Spotify, le leader du marché, ne leur reverse par exemple qu’entre 0,4 et 0,8 centimes par chanson écoutée. Pour vivre de leur art, les musiciens doivent donc tout miser sur des tubes et penser leur son en conséquence. Les experts ont même donné un nom à ce phénomène: le Spotifycore.

Ce concept musical se distingue déjà par une intro très courte. La raison est simple: avec Spotify, les musiciens ne sont payés que si un titre est joué pendant au moins 30 secondes. Ils se privent donc de revenus potentiels si l’auditeur zappe au début. Une intro longue et complexe est risquée, mieux vaut alors miser sur des hooks et autres refrains qui accrochent tout de suite. Les intros à la «Hotel California» des Eagles et «Stairway to Heaven» de Led Zeppelin font ainsi bel et bien partie du passé de l’histoire de la musique! Et pourtant, avec leur 50 secondes, elles sont encore assez innocentes. Par exemple, «April de Deep Purple» offre presque 9 minutes de son, purement instrumental, avant l’apparition d’une voix. Juste pendant cette intro, on aurait le temps d’écouter les tubes «Shape of You» d’Ed Sheeran et «Blinding Lights» de The Weeknd, les morceaux les plus streamés jusqu’à maintenant. Et même, on peut en plus écouter un bout de «Dance Monkey» de Tones and I, le troisième morceau le plus populaire!

Après les 30 premières secondes, la durée d’écoute d’une chanson n’influence plus ce que touche un musicien. Il vaut donc bien plus la peine de sortir deux morceaux de 3 minutes qu’un seul de 6 minutes. Et prendre le temps de composer un vrai hit rapporte également davantage que de bricoler un album innovant. En plus, un morceau accrocheur augmente les chances d’être inclus dans une playlist de Spotify. La plus populaire, Today’s Top Hits, a plus de 28 millions de followers. Avec une place sur une telle playlist, les musiciens peuvent crier bingo. Bref, pour résumer, la formule est très simple: Spotifycore = revenus!

Le vinyl a beau connaître un revival depuis une quinzaine d’années en Suisse, ne nous voilons pas la face: le streaming représente 76% du chiffre d’affaires du marché musical helvétique. En 2020, les supports physiques comme les CDs et les disques ne comptaient que pour 14% et perdent chaque année des parts de marché.