Coopération Weekend

Le pouvoir de la mode

Le féminisme et la mode sont-ils compatibles? La réponse est plus complexe qu’on ne le pense!

La mode et le féminisme, des ennemis jurés? C’est vrai qu’au cours des siècles, les vêtements ont été l’un des nombreux moyens d’oppression utilisés envers les femmes. Ce sont des témoins et traces du contrôle exercé sur elles et leur corps. Or depuis longtemps, la mode est aussi une manière de se rebeller. S’opposer aux conventions et aux codes vestimentaires représente une forme de protestation. Sauf que tout le monde n’a pas toujours été de cet avis… Les suffragettes, par exemple, qui se battaient pour le droit de vote féminin au début du XXe siècle, étaient convaincues qu’elles attireraient plus l’attention en s’habillant de manière classique et féminine. Même lors de leurs manifs, elles portaient des blouses fermées jusqu’au cou, des robes à dentelle, des grands chapeaux et des corsets. Elles avaient aussi choisi trois couleurs pour faire passer leur message: le violet pour la loyauté (oui, c’est aussi la couleur de la grève des femmes chez nous), le vert pour l’espoir et le blanc pour la pureté. Et puisqu’il était devenu de bon ton d’être suffragette, les accessoires dans ces couleurs se vendaient très bien à l’époque. C’est que le féminisme était devenu une mode! Mais la Première Guerre mondiale a changé les choses. Les hommes étant partis au front, les femmes ont dû se mettre au boulot, et les corsets n’étaient franchement pas pratiques pour bosser. Les travailleuses se sont alors mises à porter des habits plus confortables, comme des robes amples ou même des pantalons. Ensuite, vu que tout le monde voulait s’amuser une fois la guerre terminée, la mode est restée assez androgyne. Par contre, après la Seconde Guerre mondiale, les gens ont cultivé ce désir de revivre normalement, «comme au bon vieux temps», y compris retrouver la répartition traditionnelle des rôles. En clair: les femmes ont de nouveau dû se farcir le ménage. Et il était attendu d’elles qu’elles s’habillent de manière féminine, comme il faut, avec des habits qui marquent bien la taille. Certaines ont même de nouveau porté un corset. S’élevant contre cela, les féministes des années 1970 voulaient sortir de chez elles et ne plus faire office de femmes trophées. Les pantalons ont donc affirmé leur grand retour. La prochaine fois que tu trouves les tiens pas assez confortables, n’oublie pas qu’à une certaine époque, ils étaient synonyme de liberté!

Rouge à lèvres

Dans la Grèce antique, seules certaines femmes portaient du rouge à lèvres: les prostituées, pour qu’on les distingue des femmes «convenables». Plus tard, le rouge à lèvres était encore considéré comme indécent, ou se voyait même interdit. Il l’est encore dans certaines cultures d’ailleurs. Pas étonnant qu’il soit devenu un moyen de se rebeller! Les suffragettes en portaient par exemple lors de leurs manifs. Il est devenu vraiment populaire lors de la troisième vague féministe, dans les années 1990. Pour les féministes d’alors, on pouvait défendre les droits des femmes sans renoncer à sa sexualité et à sa féminité. De nombreuses femmes actives dans les mouvements des années 1960 et 1970 n’étaient par contre pas du même avis.

Peinture de guerre: Rouge à lèvres MAC Powder Kiss,
teinte Werk, werk, werk, 30 fr., Import Parfumerie.
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Minijupe

La minijupe créée par l’Anglaise Mary Quant dans les années 1960 a créé une brèche libératrice. Il faut dire que les longues jupes portées à cette époque par les femmes n’étaient vraiment pas pratiques. Et dans les années 1960, les jeunes voulaient s’opposer aux valeurs conservatrices et mener une vie sexuelle libérée. Ce petit morceau de tissu est donc vite devenu culte et avait des fans célèbres, comme la mannequin Twiggy. Par contre, le regard sur la minijupe a changé par la suite. Le féminisme des années 1970 la voyait comme un moyen de dégrader les femmes et d’en faire des objets sexuels. Elle a alors perdu en popularité, mais fait régulièrement son retour. Comme maintenant, par exemple. Est-ce un progrès ou un retour en arrière? Les avis divergent, tout comme sur la jupe en format mini extrême vu chez Miu Miu lors des défilés printemps / été, qui a fait couler beaucoup d’encre.

Bikini

Quand l’ingénieur Louis Réard a créé le premier bikini dans les années 1940, les mannequins ont refusé de le porter. Seule quelques strip-teaseuses ont accepté. Cette indignation n’avait rien d’étonnant quand on pense qu’au début du XXe siècle, les femmes portaient encore des bas en laine et des chaussures pour se baigner! Plus tard, il arrivait qu’on mesure la distance entre le genou et le bas du maillot, histoire qu’il ne soit pas trop échancré. Avant de devenir un symbole de la libération sexuelle des années 1960, le deux-pièces est resté interdit sur les plages presque partout. Il s’est imposé depuis la scène mythique où Ursula Andress sort de l’eau en bikini blanc dans James Bond 007 contre Dr No.

Duo de plage en liberty: Bikini de Nulu (haut 29 fr. 95, bas 24 fr. 95), Coop City.
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Soutien-gorge

Tu connais ce sentiment libérateur, quand tu ôtes ton soutien-gorge le soir venu? A une époque, c’était le soutien-gorge lui-même qui était libérateur. Parce qu’avant son invention, les femmes portaient un corset. Il était souvent si serré qu’il limitait les mouvements, rendait la respiration difficile, causait des douleurs et endommageait des organes. Argh! Les difficultés d’approvisionnement pendant la Première Guerre mondiale ont permis au soutien-gorge, qui se compose de moins de tissu, de s’imposer. Et, quand après la guerre, le style androgyne est devenu tendance, de nombreuses femmes s’en servaient pour s’aplatir la poitrine. Elles en avaient peut-être aussi marre de se faire mater. L’arrivée du Wonderbra et autres push-ups dans les années 90 a rendu le soutien-gorge à nouveau féminin. Mais avant ça, les féministes des années 60 et 70 le jetaient volontiers au feu!

À brûler ou à garder: Soutien-gorge de Nulu, 29 fr. 95, Coop City.
À brûler ou à garder: Soutien-gorge de Nulu, 29 fr. 95, Coop City.

Chaussures compensées

Des hauts talons toute la journée? Non merci! C’est bien pour ça que, pendant la deuxième vague féministe, certaines femmes ont commencé à porter des mocassins, comme les hommes. Ils sont confortables, pratiques et surtout adaptés au monde du travail dans lequel les femmes voulaient se faire leur place. A chaque fois que les femmes se battent pour leurs droits, il semble qu’une tendance chaussures apparaissent aussi: les chaussures compensées. Avec de grosses semelles, on se fait remarquer, on semble grandes et on se sent plus fortes. Elles sont parfaites pour sortir du rôle souvent imposé aux femmes, qui devraient être: dociles, calmes, discrètes, mignonnes. Donc, remercie le féminisme pour les mocassins Gucci aux épaisses semelles qu’on voit partout!

Tailleur-pantalon

De nos jours, quand on voit une photo des tailleurs-pantalons de Marlene Dietrich, célèbre actrice et chanteuse allemande des années 1930, on ne leur trouve rien de choquant. Pourtant, à l’époque, elle provoque bien des réactions lorsque porter des habits d’homme devient sa marque de fabrique. Quelques décennies plus tôt, cela se serait mal passé pour elle! Si tu aimes porter des pantalons à taille haute et aux jambes larges, aie de temps en temps une petite pensée pour celle qui a brisé les conventions. Oser le blazer, à une époque, était aussi un acte rebelle. Les femmes qui se battaient pour l’égalité professionnelle portaient ce symbole de pouvoir masculin pour être prises au sérieux. Aujour­d’hui encore, tu peux le porter en coupe large, comme si tu l’avais emprunté à ton mec.

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