Texte: Claudia Hottiger / Photo: Alamy, Getty Images, Keystone
Pendant longtemps, les rayons des magasins de mode ont été classés par sexe. Mais nous nous éloignons lentement du système binaire, dans tous les domaines. La tendance «genderfluid fashion» est un mouvement qui compte bien briser une fois pour toutes les stéréotypes figés de la mode.
Or savais-tu que les habits non-binaires existent depuis longtemps? Dans la Grèce antique ou l’Empire romain, hommes et femmes portaient des vêtements mixtes, comme la tunique. C’est avec l’industrialisation du XIXe siècle que l’on a vraiment commencé à distinguer radicalement les habits masculins et féminins dans de nombreux pays occidentaux. Mais depuis, au gré des évolutions sociales, des créateurs et des artistes n’ont cessé de bousculer les stéréotypes de la mode…
Si les femmes portent des pantalons, c’est grâce à Coco Chanel – et à Venise. Comme la créatrice iconique trouvait trop pénible de monter en jupe dans les gondoles vénitiennes, elle s’est confectionné un pantalon. C’était le prototype du Yachting Pants pour femme qui a été ensuite produit en série dans les années 1920, et qui incarnait l’émancipation féminine. Jusque-là, le pantalon était réservé aux hommes. Cela nous semble aberrant aujourd’hui, pas vrai? En plus, Coco Chanel a déclaré la guerre au corset et a privilégié le jersey de coton, soit le tissu des sous-vêtements masculins. Les féministes de son temps se battaient pour l’émancipation, et elle a lancé une révolution côté mode. Dans les années 1930, Marlene Dietrich a apporté la tendance du look androgyne à Hollywood: avec son haut de forme, sa cigarette et son costume. Dans les années 1960, Yves Saint Laurent a fait un pas de plus vers une mode non sexiste avec son smoking, le premier tailleur-pantalon pour femmes. Tout cela a mené à ce qu’elles puissent de nos jours porter tout ce qui était autrefois connoté comme masculin!
Lorsque le dieu de la gratte Jimi Hendrix est monté sur scène arborant velours, froufrous et boléro, personne ne s’est dit: «Ouh là, il est habillé comme une femme». Et il n’était pas le seul sex-symbol qui, dans les années 1960 et 1970, s’est affranchi des stéréotypes de genre. David Bowie a lui porté des looks androgynes d’une créativité folle. La vague glam-rock et les nouveaux romantiques des années 1980 aimaient également jouer avec leur identité, brouillant les frontières du genre entre masculin et féminin. C’est ainsi que, sur les scènes du monde entier, l’idée de ce qui était vu comme typiquement masculin a changé. Les artistes se sont mis à porter des vêtements jusqu’alors considérés comme féminins. Une réflexion reprise par des designers comme Jean-Paul Gaultier, qui a fait défiler des hommes en jupe en 1984. Tous ont donc contribué à bousculer les normes, et à renverser le carcan que nous appelons aujourd’hui la «masculinité toxique».
Le fait que les femmes se promènent aujourd’hui aussi bien en petite robe qu’avec des tenues oversized et des sneakers est une pratique courante depuis longtemps. N’empêche que beaucoup de gens ont trouvé l’actrice Kristen Stewart totalement cool lors du Met gala de cette année, avec un blazer court et un sarouel, en contrepoint à ses collègues portant des robes extravagantes. Mais quand des stars comme Harry Styles redéfinissent encore une fois la masculinité avec un look emprunté au vestiaire féminin, il suscite toujours des critiques acerbes. On peut dire en tous cas qu’Harry Styles s’en fiche royalement, et qu’il n’hésite pas à se jeter sur des tenues de scène scintillantes, des colliers de perles – ou, comme sur la couverture de Vogue, une robe Gucci. Le rappeur Kid Cudi a lui aussi déjà tenté la robe. Et les stars ne sont pas les seules à adopter de plus en plus cette mode qui floute les genres. Le mouvement genderfluid est lentement mais sûrement arrivé dans le mainstream. De nombreux labels proposent aujourd’hui des collections unisexes – et incitent ainsi la société à repenser les stéréotypes de genre.
Veux-tu en savoir plus sur les tendances mode?
Coopération et 20 minutes, les deux journaux les plus importants de Suisse, s’allient pour offrir aux lecteurs un magazine branché pour bien démarrer le week-end. «Coopération Weekend» paraît tous les vendredis en trois langues, online et au milieu du journal 20 minutes. La responsabilité des contenus (mots, images) et des liens externes incombe à Coop Société Coopérative.