Texte: Phuong Lam-Tran / Photo: Stocksy
Une fois fécondé, le papillon pond entre 400 et 600 œufs (!) de couleur jaunâtre, qui mesurent à peine un millimètre. Après la période de maturation, les œufs deviennent gris foncé et se brisent. Le ver qui en sort tant bien que mal fait environ 2 millimètres, a la tête noire et est tout poilu.
Les vers à soie sont de grands travailleurs! Ils sont aussi bien voraces et se nourrissent uniquement de feuilles fraîches de mûriers. Non-stop. Jour et nuit. Donc, pas étonnant qu’en un mois à peine, les vers prennent du poids. Et pas qu’un peu. Ils passent de 2 mm à 10 cm, soit 10’000 fois leur poids et 50 fois leur taille!
Notre ver décide tôt ou tard de changer de look et va donc se mettre au calme pour sa métamorphose. Pendant trois jours, il n’arrête pas et tisse son cocon avec sa bave, qui se solidifie au contact de l’air. Le cocon, qui fait environ deux grammes, se compose de 20 à 30 couches concentriques d’un fil qui peut faire jusqu’à deux kilomètres de long! Selon la race et le régime alimentaire, la couleur des fils varie du blanc au jaune, ou est même orange ou dorée.
Le ver est devenu papillon. Il est blanc, avec un gros abdomen, des antennes, des ailes et tout le tralala. Il est prêt à vivre sa vie d’adulte et donc à se reproduire. Sauf que ce n’est pas du gâteau: notre lépidoptère ne peut pas manger, il est presque aveugle et il ne peut même pas voler parce qu’il a pris trop de poids... Donc, après un passage par la case fécondation et ponte des œufs, et l’utilisation de ses réserves de graisse, il meurt.
En Suisse, la production de la soie débute au XVIe siècle. Au Tessin, l’élevage des vers à soie et la fabrication du tissu étaient une industrie vraiment importante. Mais à l’époque, climat oblige, elle ne s’étend pas vraiment au reste du pays. Avec le temps, elle décline de plus en plus en raison de la concurrence étrangère et de l’arrivée de la soie synthétique, qui sont bien meilleur marché. Heureusement, depuis 2009, des agriculteurs font revivre cette belle tradition. Selon Swiss Silk, l’association faitière de la soie helvétique, 15 producteurs élèvent actuellement vers et larves dans notre pays. Tu peux de nouveau donc te parer de soie made in Switzerland.
Grâce à ce tissu noble, les échanges entre la Chine et l’Europe se sont intensifiés. Les itinéraires commerciaux les plus importants entre l’Extrême-Orient et l’Occident en ont même tiré leur nom: la célèbre Route de la soie. C’était la marchandise qui y transitait le plus. Les Grecs et les Romains appréciaient déjà ces fibres naturelles à l’aspect précieux, mais ne savaient pas comment les produire. On raconte qu’au XIe siècle, des moines, sur les ordres de l’empereur Justinien, ont été les premiers à ramener des œufs de vers à soie depuis l’Orient, en les cachant dans des tiges de bambou. La culture de la soie pouvait alors commencer en Europe.
À ses débuts, la fabrication de la soie était un secret d’État en Chine. Ces vêtements étaient réservés aux empereurs et impératrices, qui en interdisaient carrément la vente au peuple. Avec le temps, les classes moins nobles ont elles aussi eu le droit de profiter de ce bien de luxe. Il s’est alors réparti dans tout le pays et a servi à fabriquer des cordes pour instruments de musique, filets de pêche, ceintures et lacets. La soie est devenue le «cheval de bataille» de l’économie chinoise. Sa production a augmenté à tel point que le gouvernement a décidé de se mettre à l’export. D’abord au Japon et en Corée, puis en Europe par la Route de la soie. Ce n’est que quand des éleveurs chinois se sont installés dans d’autres régions que les méthodes et l’utilisation ont vraiment pris de l’ampleur.
La production de soie prend la route du développement durable.
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